

Pascale Weber
Pascale Weber est artiste, maĂźtresse de confĂ©rences habilitĂ©e Ă diriger des recherches en arts plastiques Ă l’universitĂ© Paris 1 PanthĂ©on-Sorbonne et affiliĂ©e Ă l’institut Acte (Arts, crĂ©ations, thĂ©ories et esthĂ©tiques), Axe A2S (arts, sciences, sociĂ©tĂ©) en collaboration avec le Laboratoire interdisciplinaire de droit, mĂ©dias et mutations sociales (LID2MS/AMU).
Parmi les thématiques abordées dans son travail, en lien avec des domaines de spécialité scientifique (ou non) :
- présence et représentation du corps par la photographie performative, la photographie de performance et la performance photographiée ;
- art performance et anthropologie : travail sur les rituels. Les arts performatifs permettent de rejouer des gestes, de les redĂ©couvrir, de les adapter ou de crĂ©er de nouveaux rituels, de restructurer et de rĂ©actualiser lâimaginaire du corps ;
- le corps porteur de mĂ©moire et dâidentité : construction du soi et rĂ©cit dâexpĂ©rience. IdentitĂ©s individuelles et collectives ;
- débordements et contrÎle du corps, transformation et création (salissure et souillure, immunité et désinfection) ;
- relation humain/végétal : corps et plantes, germination, ensemencement, création et éthique environnementale, art du vivant.

Mon expérience du confinement
« ConfinĂ©s sur un bateau, nous avons rĂ©alisĂ© une sĂ©rie photographique Ă partir de masques improvisĂ©s avec « les moyens du bord », tĂ©moignant de lâimportance du jeu pendant la crise. Plus tard, nous avons conçu une performance pour dire la colĂšre de nos corps bĂąillonnĂ©s, assignĂ©s et privĂ©s du collectif.
Masques de carnaval ? Masques sur le rĂ©el ? Masques mortuaires ? Ou bĂąillons ? Le masque sâest imposĂ© dans notre travail dĂšs le dĂ©but du confinement. Nous avons commencĂ© Ă en confectionner non pas pour nous protĂ©ger mais pour nous approprier cet objet symbolique. Nous lâavons dĂ©clinĂ© sous diverses formes, le considĂ©rant comme symptomatique de lâĂ©tat de la sociĂ©tĂ©. Avec dĂ©rision ou poĂ©sie, nous en avons fait, en tant quâĆuvre artistique, un Ă©lĂ©ment de langage.
Porter un masque câest ne plus montrer ses Ă©motions et ne plus avoir dâexpression du visage, câest ĂȘtre rendu Ă lâĂ©tat dâobjet. Le masque comme un bĂąillon nous empĂȘche de parler librement. La distance (geste barriĂšre) empĂȘche tout contact.
Le confinement nous a donnĂ© du temps, du temps pour revenir Ă nous-mĂȘmes, mais il nous a Ă©galement privĂ©s de nos libertĂ©s fondamentales dâaller et venir, de rencontrer et de se confronter aux autres, rendant impossible la relation des corps prĂ©sents qui nâavaient que les rĂ©seaux de communication pour pouvoir Ă©changer virtuellement.
Le confinement a obstruĂ© lâhorizon, horizon gĂ©ographique comme horizon politique. La sociĂ©tĂ© sâest insensibilisĂ©e, elle est devenue la salle dâattente de lâhĂŽpital, la police sâadressait Ă nous Ă distance, avec des drones. Le masque est devenu lâobjet que tous ont en commun, au-delĂ des sexes, races, cultures, religions⊠Chacun s’est dĂ©couvert Ă mĂȘme dâinventer son identitĂ© avec le masque, nous avons dĂ©sormais une identitĂ© avec et une identitĂ© sans. »