

Jean-Marc Quaranta
Jean-Marc Quaranta est maĂźtre de confĂ©rences en littĂ©rature française et crĂ©ation littĂ©raire Ă lâuniversitĂ© dâAix-Marseille, responsable du diplĂŽme universitaire Formateur en atelier dâĂ©criture ainsi que du master de lettres. Il est membre du Centre interdisciplinaire dâĂ©tude des littĂ©ratures dâAix-Marseille (Cielam) et de lâInstitut crĂ©ativitĂ© et innovation dâAix-Marseille (Inciam) et chercheur associĂ© Ă lâInstitut des textes et manuscrits modernes (ITEM-CNRS).
Son travail porte sur lâĂ©tude des brouillons et des processus dâĂ©criture et sur lâenseignement de la crĂ©ation littĂ©raire. Il dĂ©veloppe une dĂ©marche de diffusion des connaissances littĂ©raires par des formes originales.

Mon expérience du confinement
« Le confinement mâest dâabord apparu sous les espĂšces de la fiction et de la poĂ©sie.
La fiction car nous Ă©tions passĂ©s de lâautre cĂŽtĂ© du miroir et câĂ©tait incroyable. Les rues vides, les gens rares, lâespace restreint, les rayons pris dâassaut, lâexode, lâĂ©tat en dĂ©shĂ©rence, les faux airs de dystopie.
La poĂ©sie car nous allions pendant plusieurs semaines faire un usage inhabituel de nos vies, de notre temps, du monde, comme on fait en poĂ©sie un usage inhabituel du langage de tous les jours. Les gens Ă©taient invitĂ©s Ă se replier sur eux-mĂȘmes, sur leur noyau familial ou leur solitude.
Avec cette dimension de pas de cĂŽtĂ© et de recentrement sur soi, le confinement mâest apparu comme une sorte de carĂȘme laĂŻque et mĂ©dical, un moment sacrĂ©, coupĂ© de nos habitudes profanes ; la nature ne sây est pas trompĂ©e.
Ensuite il y a eu le printemps volĂ©, les contrĂŽles de police, les drones sur la promenade des Anglais et Paris, la gestion chaotique, incohĂ©rente de la situation sanitaire, les chiffres, les morts. Je me suis penchĂ© sur le professeur Adrien Proust, pĂšre de mon auteur de prĂ©dilection, spĂ©cialiste des Ă©pidĂ©mies et prĂ©curseur de lâOMS, laquelle dĂšs le 30 janvier 2020 disait aux Ă©tats quâil fallait « tester, tracer, isoler »âŠ
Il y a eu aussi les journaux de confinements lunaires de LeĂŻla Slimani et Marie Darrieussecq qui montraient le naufrage tragicomique de la littĂ©rature instituĂ©e. De lĂ est nĂ©e lâidĂ©e du journal de Tralala Soulezmy, tenu sur Facebook jusquâau 10 mai 2020, et atelier dâĂ©criture Ă deux voix.
Il y a eu surtout les cours Ă organiser Ă distance, les Ă©tudiants qui tenaient bon dans lâĂ©criture de leur projet, ceux qui Ă©taient perdus dans le cyberespace, dans leurs vies, Ă qui on ne pouvait pas tendre la main. Il y a eu les stagiaires du « DU animateur dâateliers dâĂ©criture » qui ont luttĂ© pour reconvertir en virtuel leurs ateliers, pour que lâĂ©criture continue Ă circuler.
De tout cela est nĂ©e la question posĂ©e aux Ă©tudiants et au public du festival : que peut lâĂ©criture en temps de crise ? »